La formation des légionnaires dure quatre mois. Elle comporte notamment une période de quatre semaines au sein de la ferme.
11/12/2015 à 23:38 par Lola Monset
Au bout d’un chemin de terre, après quelques kilomètres à travers champs, un panneau vous indique votre entrée sur les terres du 4ème régiment. La ferme de Puginier est en fait un bâtiment assez neuf, niché sur une petite colline. Autour : de l’herbe, des prairies, un bout de forêt, des poules. L’endroit est paisible. Le soleil de ce mois d’octobre enveloppe encore les après-midi de son parfum d’été et l’on pourrait se méprendre à s’imaginer confortablement installé dans un transat.
Ce n’est pas l’ambiance de la maison, autant vous le dire tout de suite. La ferme est la partie de l’instruction la plus difficile physiquement et moralement pour le futur légionnaire. Il n’est d’ailleurs pas encore légionnaire lorsqu’il pénètre dans l’enceinte de ce bâtiment.
C’est la première phase de l’instruction. Arrivés à Castelnaudary, les légionnaires prennent pratiquement dès leur débarquement, le chemin de la ferme. « Nous voulons créer une rupture avec leur ancien milieu. Un isolement et une standardisation sont nécessaires parce qu’il y a une grosse différence entre un Russe qui fait cinq repas par jour et un Chinois du fin fond de la Chine qui mange à peine un bol de riz », explique le sergent instructeur.
La section présente à la ferme vient tout juste de débarquer. Ils sont 60 dont 35 nationalités différentes avec une moyenne d’âge de 24 ans. Pour la plupart, il s’agit d’un de leurs premiers contacts avec la France et la langue française. En clair, beaucoup ne comprennent rien.
L’ambiance a l’air détendue même si on comprend rapidement que le sergent instructeur n’est pas là pour enfiler des perles. À la question de savoir si des personnes abandonnent au cours de l’instruction à la ferme, le regard du sergent se fait glacial. « Oui, mais ceux-là, il vaut mieux qu’ils retournent chez maman », coupe-t-il. Entre 15 et 20 % des candidats abandonnent entre leur sélection et l’arrivée à la ferme. « Ils ont souvent une idée fausse de ce qu’est la légion. Ils ont trop d’attente et ne comprennent pas qu’il faut d’abord passer par la discipline, le respect des ordres ou de l’hygiène », renchérit le sergent. Quelques-uns se découvrent des problèmes physiques. « C’est la génération coca/Playstation. Ce sont des jeunes qui n’ont pas l’habitude de faire des activités physiques et qui donc n’ont pas eu l’occasion de découvrir qu’ils avaient tel ou tel handicap », commente François Hervé-Bazin.
La visite se poursuit. Les « engagés volontaires » sont en plein cours de français. Le sergent instructeur demande aux francophones de mettre leur béret vert afin de les distinguer et en envoie deux au tableau conjuguer les verbes avoir et être. « Même pour les francophones, c’est pas toujours évident », souffle François Hervé-Bazin alors que les soldats au tableau semblent éprouver quelques difficultés. Des petits groupes sont formés entre les légionnaires. Chaque francophone prend en charge deux ou trois futurs légionnaires qu’il guidera pendant l’instruction.
De l’autre côté de la salle de cours, des lits superposés rustiques s’entassent dans deux petites pièces. C’est le dortoir des engagés volontaires. La sobriété semble être le mot d’ordre : pas de froufrou ni de confort inutile. Tout est impeccablement rangé, sacs, vêtements et bottillons parfaitement alignés.
Les futurs légionnaires sont ensuite appelés à l’extérieur. Ils se mettent en rang d’oignon afin de récupérer leur arme distribuée par le sergent instructeur. Tout est encore nouveau et la procédure n’est pas complètement maîtrisée. « Comme ils ne comprennent pas, on travaille beaucoup au visuel. Il faut leur montrer encore et encore, explique notre guide, regardez-là, le Chinois ne comprend rien de ce qu’il faut faire. » Effectivement, les soldats passent tour à tour devant un tube à sable servant à vérifier que l’arme n’est pas chargée. Les francophones passent les premiers, les autres imitent. « Il y a une manipulation quotidienne de l’arme parce qu’il est nécessaire qu’ils apprennent à ne plus en avoir peur… C’est fait pour tuer mais c’est notre outil de travail », explique le sergent instructeur.
Le groupe se dirige ensuite vers la forêt où ils vont effectuer quelques exercices. On pénètre ici au cœur du parcours d’entraînement où sont placés souterrains, murs, barbelés et autres objets d’un camp militaire digne de ce nom. « Pendant ces quatre semaines, ils vont connaître la faim, la soif, l’effort et le manque de sommeil. Ils vont découvrir ces sensations afin de savoir leurs limites et de pouvoir les repousser », commente le sergent.
Au terme des quatre semaines, la plupart valident l’instruction à la ferme. Ce stage se conclut par la cérémonie de remise du képi blanc. Il arrive que certains n’aient pas acquis les capacités nécessaires à la suite de la formation et fassent quelques jours de plus au sein de l’établissement.
Journée type
5 h 30 : lever des légionnaires
> Rasage, toilette
> Petit-déjeuner
> Corvées
> Rassemblement
> Sport
> Activité tactiques ou techniques
> «Apéro » (série de renforcement musculaire type pompes)
> Déjeuner
> Cours de français, activités, etc.
> Repas
22 h 30 : coucher sauf si exercice commando de nuit.